Historique :
Citée pour la première fois en 1110 (1) comme appartenant à l’évêque d’Angoulême
Girard II, cette église est située à l’intérieur de l’enceinte du château de Touvre, appartenant aussi à l’évêque. Elle a dû être chapelle castrale, mais pas dès l’origine de la construction du château, attestée depuis le XIème siècle (2). Une première chapelle a pu exister, sur un emplacement éventuellement différent. En partie ruinée en 1631 (3), l’église fut restaurée une première fois en 1755 (4). Diverses dates gravées sur les murs indiquent d’autres réparations au XVIIIème siècle. Inscrite sur la liste supplémentaire des Monuments Historiques le 26.04.38 pour les chapiteaux de sa nef, puis le 22.08.1949 pour son portail occidental (5), cette église fut restaurée en 1845 (6), où l’on reconstruisit ses voûtes en briques (7).
Architecture :
Construite en calcaire local (oxfordien ou kimméridgien/portlandien) cette église se compose d’une nef unique de trois travées, d’une travée droite et rectangulaire plus étroite que la nef, suivie d’une courte travée rectangulaire fermée par un chevet droit. Le bras sud du transept existe encore, prolongé d’une absidiole semi-circulaire ; ces parties ont été transformées d’abord en presbytère et sacristie, puis en habitation particulière. Une tour de clocher rectangulaire, avec son escalier, est implantée dans l’angle nord-ouest de la première travée, la rétrécissant sur presque tout son mur nord.
A signaler : sept croix pattées de consécration ont été taillées en bas-relief et peintes à l’ocre rouge sur différents piliers à l’intérieur de la nef et au revers de la façade. Cinq étapes de construction se lisent sur les murs de la nef.
Au nord, le bas des murs de la première et de la troisième travée évoque une première église, construite en petites pierres de taille (petit appareil) à joints minces, entre des renforts en moyen appareil. L’extérieur du mur sud donne une idée de l’aspect de cette première nef. La faible épaisseur de ces murs (0.80 m) indique une nef simplement charpentée, dont les fenêtres étaient sans doute plus hautes. Par sa technique de construction, le premier état du bâtiment semble datable du premier quart du XIIème siècle.
Lors du deuxième état de l’église, au nord, un doublage des contreforts et une réfection des trois travées apparaît alors, avec une porte latérale dans le deuxième travée. A l’extérieur, les doubles contreforts et les grandes arcades indiquent un voûtement dès le deuxième état de l’édifice. Les deux nouvelles fenêtre percées dans la partie ancienne sont apparemment plus basses que celles d’origine et sont bien centrées par rapport aux arcades extérieures et intérieures. Elles s’adaptent à la nouvelle hauteur de la nef, désormais voûtée, grâce à de grandes arcades intérieures, venant épaissir les murs. Le mur sud semble avoir été doublé d’un parement intérieur, tandis que les contreforts existants ont été conservés à leur emplacement, sans doublage ni grandes arcades. La nouvelle épaisseur du mur sud de la nef correspond à un voûtement du courant du XIIème siècle. La reconstruction du bas de la façade semble appartenir à la même campagne de travaux. La tourelle d’escalier aurait été encastrée au cours du deuxième état de l’église, auquel appartiennent aussi le bras sud de transept et son absidiole, probablement vers le milieu du XIIème siècle.
Le mur droit du chevet est construit comme la partie haute de la façade et le bras sud du transept et appartient au troisième état de l’édifice, de la seconde moitié ou de la fin du XIIème siècle.
Après une destruction partielle de la nef, probablement due à l’effondrement du clocher initialement sur la croisée, le quatrième état de l’église se caractérise par une reconstruction partielle de l’édifice. La partie haute du mur nord et de la baie, de même hauteur et de même gabarit que celles du deuxième état, montre que la nef aurait conservé le même volume intérieur et peut-être la même hauteur de voûte, après réparation. Le raccord entre la façade et ses contreforts indique une reprise du haut des contreforts à partir des arcades, lors de la reconstruction de la voûte, avec un raccord soigné entre le haut de cette façade et son mur sud. Une corniche haute soutenue par des modillons couronnait alors l’édifice. Il peut s’agir d’une réparation médiévale respectueuse des proportions de l’édifice, avec des réemplois, à situer entre le XIIème siècle et le XVème siècle.
Enfin, la partie haute en petit appareil correspondrait au cinquième état de l’édifice. En effet, diverses parties de l’édifice portent les traces d’une fortification défensive (nef et chevet) avec surélévation des combles et bretèche sur la façade autour du XIVème siècle. Le clocher porte des traces de mâchicoulis rebouchés sur sa face orientale, qui le datent du XVème siècle, dans le contexte troublé de la fin de la guerre de Cent Ans. Les baies actuelles du clocher peuvent être datées du XVIème siècle ou du XVIIème siècle.
Sculpture :
Par leurs végétaux à feuilles grasses et leurs détails anatomiques, les chapiteaux de la façade peuvent être placés dans la mouvance des sculptures de la cathédrale d’Angoulême, dans le deuxième quart du XIIème siècle. Leur thème semble évoquer la lutte entre les forces du Bien et du Mal, incarnées par des animaux et des monstres en lutte. L’existence de corbeilles à feuilles sèches montre la main d’un artiste différent, sans écart dans le temps avec les autres œuvres, car leur calibre est homogène.
A l’intérieur de la nef, on ne peut pas vraiment reconnaître de programme iconographique mais il manque peut-être des œuvres qui le complétaient. On a pu réemployer et déplacer des chapiteaux du deuxième état de l’édifice après la reprise de la nef. Seules deux corbeilles du côté nord de la nef, aux végétaux simplifiés, sont probablement des réfections plus tardives, de la seconde moitié du XIIème siècle, qui remplaçaient éventuellement des œuvres abîmées.
Ces datations sont cohérentes avec la reprise des deux premières travées nord (porte latérale et grandes arcades) et de la façade peu avant le milieu du XIIème siècle. Les deux corbeilles du nord de la nef pourraient correspondre avec la campagne de reconstruction du haut des murs nord et sud de la nef, probablement dans la seconde moitié du XIIème siècle.
Par Madame Sylvie TERNET, Docteur en Civilisation Médiévale (Histoire de l’Art et Archéologie).
1 Cartulaire de l’Eglise d’Angoulême, éd. J. Nanglard, MSAHC 1899, p.148
2 Depuis l’épiscopat de Guillaume 1er (1041-1074), qui fit édifier ce château, d’après l’Historia Pontificum et Comitum Engolismensium, éd. J. Boussard, Paris, 1957, p.27, n°1.
3 J. Nanglard, Pouillé historique du Diocèse d’Angoulême, Angoulême, 1900, t. II, p. 245.
4 A.D., G.251. Un contrefort a été construit sur le mur nord du sanctuaire et les pierres rejointoyées, par Jean Mesnier, entrepreneur (26.01.1755)
5 Poitiers, Service de l’Inventaire.
6 J. George, Les églises de France, Charente, Paris, 1933, p. 271.
7 Sa voûte et sa toiture étant en mauvais état, elles est actuellement fermée au public, depuis le 29.09.2015, par arrêté municipal placardé sur sa porte.
_________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________
Glossaire
Absidiole : Petite abside en hémicycle.
Appareil : Mode de construction où les pierres sont taillées de manière à ne présenter que des faces lisses (par opposition au « blocage »). L’appareil peut être dit, suivant la dimension des pierres, petit, moyen en grand.
Bretèche : Logette rectangulaire en saillie sur une façade faite pour renforcer la défense.
Chapiteau : Partie taillée et sculptée surmontant une colonne.
Chevet : Terme qui désigne la tête d’une église.
Contrefort : Renfort de maçonnerie appliqué sur la face extérieure d’un mur pour diminuer les effets de poussée.
Corbeille : Partie du chapiteau sculptée d’un motif végétal, animal ou historié.
Mâchicoulis : Galerie en encorbellement au sommet d’une tour comportant des ouvertures permettant de défendre l’accès de celle-ci.
Modillons : Corbeau de petite dimension ; ils sont le plus souvent alignés pour soutenir une corniche.
Programme iconographique : Représentation figurée d’un thème, ensemble d’images, sculptures.
Nef : Partie d’une église qui s’étend du chœur à la façade principale.
Transept : Nef transversale.
Travée : Portion d’un édifice comprise entre 4 supports, renforts ou piles maîtresses.